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Une rentrée scolaire sous le signe du retour en arrière sur les rythmes et la réforme du collège

Publié le 13/09/2017

Les mesures prises à la veille des vacances d’été par le ministre de l’Éducation nationale détricotent les réformes menées à l’école et au collège. La CFDT relève plusieurs points de désaccord.

La rentrée doit se faire en musique ; le ministre l’a voulu ainsi. Pas sûr que les personnels de l’Éducation nationale aient le cœur à chanter le 4 septembre, jour où ils retrouvent les élèves. Car un décret et un arrêté pris en juin dans la précipitation, et en dehors de tout dialogue social, ouvrent de larges brèches dans les réformes lancées lors du précédent quinquennat. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a passé outre l’avis négatif du Conseil supérieur de l’éducation, instance consultative où siègent les organisations syndicales, les associations de parents d’élèves et les syndicats étudiants et lycéens. Un savant détricotage – le terme est réfuté par le ministre, qui préfère parler d’ajustements à la marge – est entrepris sans qu’aucune évaluation n’ait été menée. « Nous étions dans des réformes qui permettaient au système éducatif de lutter contre les inégalités et de contribuer à élever le niveau de compétences de l’ensemble de la population, regrette Yvan Ricordeau, secrétaire national chargé de la formation initiale. Les mesures prises cette rentrée affaiblissent ce qui commençait à se mettre en place. Elles ne sont pas à la hauteur des enjeux et ne semblent pas centrées sur l’intérêt de l’élève. »

Retour de la semaine de quatre jours

À commencer par les rythmes scolaires dans le premier degré. Plus d’un professeur ou parent ne saura pas sur quel pied danser cette rentrée. Le décret publié le 28 juin autorise les municipalités à revenir à la semaine de quatre jours au lieu des quatre jours et demi instaurés par la réforme des rythmes scolaires mise en place à partir de 2013. Trois semaines après la publication du décret, un tiers des écoles avait opté pour le retour à la semaine de quatre jours dès cette rentrée ; plus de 28 % des élèves sont concernés. Or un temps mieux réparti sur la semaine, comprenant cinq matinées, moment de la journée où les capacités d’attention et de concentration des enfants sont à leur apogée, est plus favorable aux apprentissages, surtout pour les élèves les plus fragiles, s’accordent les chronobiologistes. « La semaine de quatre jours est un contresens biologique qu’il faut abolir en aménageant impérativement le temps scolaire sur quatre jours et demi », indiquait en 2013 l’Académie nationale de médecine. La France sera le seul pays de l’Union européenne à concentrer les apprentissages sur une semaine de quatre jours : partout ailleurs, les enfants vont à l’école tous les jours, sauf le week-end. « C’est une remise en cause brutale des conditions d’accueil des enfants, de mise en œuvre de projets pédagogiques, de conditions d’exercice des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles [Atsem] et des personnels d’animation, d’organisation de travail des parents… », ont dénoncé dans un communiqué commun la CFDT et les quatre fédérations concernées – le Syndicat général de l’Éducation nationale (Sgen), la Fédération formation et enseignement privés (FEP), Interco, qui représente les personnels des collectivités locales, et la Fédération Communication, Conseil, Culture (F3C). « À l’heure où les deux parents travaillent, le temps des familles ne coïncidera jamais avec le temps scolaire, souligne Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT. Une réflexion sur la façon dont on structure les temps éducatifs sur un territoire donné en organisant de manière qualitative le temps périscolaire devrait être menée, cela n’a pas été fait. » Le retour à la semaine de quatre jours aura pour conséquence des suppressions d’emplois. « Début juin, le maire d’une commune moyenne nous indiquait que si sa commune devait revenir à la semaine de quatre jours, 70 emplois d’animateurs seraient supprimés, déplore la secrétaire générale du Sgen. C’est un plan social silencieux qui se met en place. » Sans compter que les rythmes scolaires ont une influence sur l’emploi des femmes : une étude de l’École d’économie de Paris publiée en avril 2017 montrait que la réforme des rythmes portant la semaine à quatre jours et demi avait permis aux femmes de réinvestir le travail le mercredi.

Le dédoublement de classes en question

Toujours à l’école, la promesse du ministre de dédoubler les classes de CP et CE1 dans les établissements classés REP+ (réseau d’éducation prioritaire) laisse dubitative la secrétaire générale du Sgen-CFDT, qui s’inquiète de voir le dispositif « plus de maîtres que de classe » (PDMQDC), progressivement mis en place depuis 2014, en faire les frais. « Il n’en restera pas grand-chose, se désole Catherine Nave-Bekhti. Le gouvernement précédent avait prévu des augmentations du nombre de postes dans le premier degré, afin d’alimenter le dispositif PDMQDC. On a pris ces postes pour le dédoublement des classes. C’est dommage : on supprime dans les faits un dispositif apprécié des personnels et qui favorisait le travail d’équipe. » Le « plus de maîtres que de classes » est en effet une innovation pédagogique permettant de prévenir les difficultés scolaires. L’enseignant travaille en binôme avec un « maître plus », chargé de repérer les élèves qui ne suivent pas et de les aider individuellement ou en petits groupes.

Le ministre a également évoqué un sujet potentiellement source de désaccord, le retour de l’évaluation des élèves à l’entrée au cours préparatoire. « S’il s’agit d’une évaluation standardisée nationale, c’est niet !, s’exclame Catherine Nave-Bekhti. Cela produit du bachotage dès la maternelle, qui devient une sorte de “prépa” à l’école élémentaire. Et ce n’est pas en évaluant les résultats des élèves que l’on évalue le système scolaire. »

Au collège, un détricotage de dernière minute

Outre un calendrier imposé de manière cavalière – les annonces ont été faites alors que les équipes apportaient la dernière touche à l’organisation de la rentrée –, les nouvelles mesures concernant le collège n’ont pas davantage la faveur des fédérations Sgen et FEP. Elles annulent en partie la réforme entrée en vigueur l’an dernier. Le rétablissement des classes bilangues, des sections européennes et des options latin et grec telles qu’elles existaient auparavant signent le retour de filières sélectives, source d’inégalités. Les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) et l’aide personnalisée (AP), qui devaient rendre les apprentissages plus attrayants et motiver les élèves, surtout ceux qui sont les moins réceptifs à un enseignement académique, sont réduits à la portion congrue. « Cela déstabilise les équipes enseignantes qui se sont investies dans des projets d’EPI et favorise l’attentisme des autres, explique Bruno Lamour, secrétaire général de la FEP. Une démarche d’innovation qui n’est pas portée institutionnellement reste lettre morte. » Même son de cloche au Sgen, qui dénonce le phénomène de stop and go et le retour d’« une vision élitiste du collège ». « Ces changements ne sont pas propices à la transformation du système éducatif, ajoute Catherine Nave-Bekhti. Les mesures semblent être prises parce qu’elles sont populaires et vont dans le sens de l’opinion publique. » C’est sans nul doute le cas du dispositif « devoirs faits », dont la mise en œuvre est prévue à la Toussaint.

Les fédérations CFDT réclament dialogue, méthode et objectifs

Les collégiens volontaires auront « un temps d’études accompagnées, au sein de l’établissement, après la classe ». Ces études pourraient être encadrées par des enseignants, des assistants d’éducation, des jeunes en service civique, des associations. « Cela suppose une bonne coordination entre l’équipe enseignante et les intervenants, explique la secrétaire générale du Sgen-CFDT. D’autre part, l’accompagnement habituellement réalisé dans le cadre de la classe ne doit pas être entièrement reporté sur ces heures d’aide. Y aura-t-il un budget consacré à ce dispositif ? Nous attendons des précisions. »

Le Sgen et la FEP demandent l’ouverture d’un accord de méthode relatif au dialogue social, sur la base d’un document écrit avec un préambule se rapportant aux objectifs poursuivis dans les changements à l’œuvre à l’école. « Nous avons une liste de sujets à proposer au ministre », précise Catherine Nave-Bekhti. Parmi ceux-ci, la formation initiale et continue des enseignants, la voie professionnelle, le lycée et le bac, la réforme du collège et son « assouplissement », la santé scolaire… La partition est prête, au ministre de donner le la.

mneltchaninoff@cfdt.fr

photo © Franck Crusiau / Réa